Le Web3 ou la guerre de l’attention

L’une des seules constantes de cet univers si volatil est qu’il est constamment en guerre. Du Web3 au Web2.5 Dans les NFT depuis 2018, j’ai aimé suivre et documenter l’évolution de cet écosystème au fil des années. Mais depuis le bear market de 2022 qui a mis un coup à l’ensemble de cette “industrie”, j’ai noté des…

L’une des seules constantes de cet univers si volatil est qu’il est constamment en guerre.

Du Web3 au Web2.5

Dans les NFT depuis 2018, j’ai aimé suivre et documenter l’évolution de cet écosystème au fil des années. Mais depuis le bear market de 2022 qui a mis un coup à l’ensemble de cette “industrie”, j’ai noté des remises en question assez profondes sur l’intérêt et surtout l’utilité de ces jetons qui ont tant fait parler d’eux.

En même temps, difficile de ne pas être en contradiction lorsque pendant des mois, les NFT ont été présentés comme une révolution technologique qui allait changer tout internet. Fini, le Web2 détenu aux mains d’une poignée d’entreprises, place au Web3 où chacun peut posséder ses propres données. Englobés dans ce nouveau terme, les NFT sont passés d’une expérience entre geeks à la croyance de détention décentralisée des parts d’entreprises. Car le Web3, ce n’est pas seulement les NFT, mais n’importe quelle “redéfinition” de la finance traditionnelle en soupoudrant un peu de blockchain ou de crypto dans un projet numérique… Sauf qu’en réalité, il n’en est rien.

Les NFT, des parts d’entreprise décentralisées ?

Pas de dividendes reversées parce qu’on détient un micro de Pepsi, un crocodile de Lacoste ou même un Bored Ape de Yuga Labs. Au contraire, les entreprises ont récupéré de l’argent, rien promis, et voyant que les conditions de marché se sont détériorées, elle se sont retirées de l’écosystème. Des millions partis sans qu’aucune redistribution de richesse n’ait lieu derrière.

Au niveau des DAO, il y a au final peu de participation active concernant la gouvernance dans l’énorme majorité des projet. Les distributions des tokens de gouvernance sont pensées en 1 token = 1 vote, ce qui favorise considérablement les gros portefeuilles… transformant systématiquement les gouvernances en ploutocratie.

Si un jour, les NFT ont été vus comme des parts, personne n’a poussé l’idée au point de redéfinir les règles que les entreprises devraient respecter pour favoriser la co-création, la formation, la recherche ou l’investissement dans l’ensemble de l’écosystème. A chaque fois que ces sujets sont évoqués, c’est avant tout pour vendre des prestations davantage que réfléchir à un socle commun réfléchi par et pour les autres.

Les NFT *pourraient* apporter davantage de transparence dans les processus décisionnels des entreprises. Mais actuellement, ce n’est pas le cas.

La visibilité au cœur de la survie

Être visible est l’une des clés essentielles pour survivre aujourd’hui dans le Web3, et pour y parvenir sur les réseaux sociaux (lieux de vie principaux de la communauté), il est donc indispensable de capter l’attention du public. Sauf depuis 2021… il y a de moins en moins de personnes extérieures dans l’écosystème, ce qui a mené à une guerre pour déterminer non plus qui est le plus utile mais plutôt qui sera à même de divertir le plus de monde. Cela prends plusieurs formes :

  • Opérations coordonnées de communication sur Twitter

  • Vidéos à sensation, memes, interviews sponsorisées

  • Soirées, side event pendant les conférences

  • Programme de fidélité grâce à des cumulation de points

Facile à créer, comprendre, liker et partager, ces divertissements sont importants pour l’écosystème mais depuis 2021, ils ont pris de plus en plus de place au détriment de sujets plus critiques comme l’accessibilité et disponibilité des données on-chain par exemple. Ce qui faisait la force d’un projet NFT en 2018–2019 (nombre de wallets acheteurs et vendeurs, nombre de vente, volume USD…) est devenu sa faiblesse car continuellement comparé à des indicateurs Web2 (nombre d’impression, de partage, de compte dans un Discord…).

C’est aussi la multiplication des blockchains / sidechains qui a participé à cette invisibilisation des données utilisateurs car plus il y a d’historique complet à télécharger, plus l’infrastructure nécessaire pour faire des analyses est importante et représente un coût. De fil en aiguille, des intermédiaires proposent des API pour faciliter la lecture des données, mais pour un simple utilisateur, il n’est plus possible d’avoir Solana, Tezos, l’écosystème EVM et Bitcoin sur un simple disque dur.

Un jeu à somme nulle et sans externalité positive

Il a été reproché à l’écosystème des NFT (ou même plus globalement les cryptos) d’être un jeu à somme nulle. C’est à dire que sans argent frais ou nouveaux utilisateurs, ce sont les mêmes participants qui s’échangent la même quantité d’argent.

Pour sortir de cette spirale toxique, pas de secret : il faut créer de la valeur. Oui, mais comment ?

Très simplement, si le produit résout des problèmes réels (autre que remplir les poches de son créateur), il créera de la valeur réelle. Ça peut être, sans que cette liste soit exhaustive :

  • Permanence (tant que la Blockchain existe) des médias ou données on-chain

  • Identité décentralisée

  • Traçabilité des responsabilités

  • Suivi des dépenses publiques et subventions

Les autres sujets (jeux vidéo, monde virtuel, objets de collection…) n’ont pas besoin d’être remplacés, leur version Web2 ou IRL fonctionne bien mieux. Peut-être que certaines étapes du monde centralisé peuvent être complétées par des éléments du Web3, mais l’ensemble du processus ne pourra pas être remplacé entièrement par une décentralisation ou une suppression totale de la censure.

Force est de constater que depuis 2021, les indicateurs des terrains des “metaverses”, des collections PFP ou des actifs de jeux vidéo sont en déclin constant. À l’inverse, l’art numérique et les utilitaires (tickets d’événements, preuve de présence IRL, LP token en DeFi, badges, Soulbound tokens…) ont le vent en poupe. Malheureusement, ce ne sont pas ces derniers qui intéressent l’algorithme de Twitter ou les influenceurs qui peuplent la plateforme.

Cette différence d’attention accordée aux sujets triviaux a pour conséquence d’apporter des externalités négatives (lassitude, frustration, jalousie, dégoût) à celles et ceux qui construisent des projets qui pourraient œuvrer pour le “greater good” s’ils avaient plus de financement ou avaient plus de visibilité dans l’écosystème.

Les NFT ont perdu, le Web3 a gagné

Je me plais souvent à dire que “les NFT ont gagné la bataille de l’adoption sans l’avoir mené”. Je m’avance peut-être, mais je ne crois pas qu’un métier du multimédia n’ait pas entendu ces 3 lettres une fois dans sa vie. En ça, la bataille de la visibilité est gagnée. Reste que pour un outil supposé se passer des intermédiaires de confiance, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit.

Je vais prendre l’exemple de l’art qui illustre le mieux mes propos. Récemment, les marketplaces Known Origin (rachetée par Ebay il y a quelques années) et Async Art ont fermé leur porte, laissant planer de sérieux doutes sur la pérennité des metadatas (attributs comme le nom de l’artiste mais aussi des médias visuels) des NFT créés sur leur plateforme.

Stockées sur IPFS, ces métadonnées existent tant que quelqu’un fait tourner un nœud et les épingle. Un service comme ClubNFT offre la possibilité de faire des “backup” mais, encore une fois, c’est de nouveau compter sur un intermédiaire pour faire durer l’existence de ce qui fait la valeur de nos jetons.

Un autre exemple, encore plus criant : les “Real World Asset” (RWA). En résumé, faire une absolue confiance en une tierce-partie pour conserver par exemple, une bouteille de vin rare. Ils ferment boutique dans 5 ans ? Priez fort pour être sûr que la bouteille n’ait pas changé en cours de route sans votre accord… car ce n’est pas avec un NFT que vous pourriez vérifier ça ! Ça vaut pour du vin, mais ça vaut pour n’importe quel actif du monde réel. Le NFT ici ne vaut rien puisque vous ne possédez réellement que le NFT, sinon la bouteille serait chez vous. Il existe une différence entre propriété et appartenance. Fine, mais réelle.

Les NFT en tant que tel ont perdu. Par contre, les intermédiaires qui s’occupent de leur donner de l’attention (par leur solution uniquement) se sont multipliés. Le fameux Web3 n’existe que sur des slides de présentation des VC et autres agences de consulting pour les crédules.

Quel endgame pour les NFT ?

C’est la question à un milliard d’utilisateurs. Les NFT servent avant tout à quantifier l’inquantifiable en ligne sans le besoin d’un intermédiaire. Tout comme Bitcoin (ou les cryptos), ils sont donc une alternative en cas de défaillance des services centralisés. C’est la plus grande force des NFT mais pour garantir son efficience, il faudrait consolider leur aspect 100% on-chain. Sinon, il est plus simple, plus efficace et moins cher d’entretenir plus de serveurs.

L’avenir des NFT sera 100% on-chain ou ne sera pas.

Jouer la demi-mesure du “Web 2.5” n’aide personne car toute la complexité du Web3 n’attire pas du tout un utilisateur habitué à l’UX du Web2. Si un outil Web3 doit exister, il doit être tellement robuste qu’il devra résister à toute épreuve y compris la disparition de son créateur. C’est la promesse de base de tout produit utilisant la blockchain (étudiez Bitcoin si vous pensez le contraire).

Est-ce que tout sur internet doit être gravé dans le marbre ? Non, mais ce qui mérite de l’être comme des diplômes, des permis ou des cartes d’identité devra être immuable. Quant au reste, peut-être que lorsque cette guerre de l’attention mortifère prendra fin, nous verrons un cas d’utilisation qui révolutionnera (vraiment) les internets.

En attendant, celles et ceux qui vous divertissent le font rarement gratuitement. Autant d’attention qui leur est donnée qui ne le sera pas pour d’autres sujets plus importants.

Crédits photos : Jani Kaasinen — Hasan Almasi


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